L’hiver dernier, un journaliste blogueur du journal Les Affaires a publié un texte portant sur le budget personnel. Il débutait son papier en se demandant ce que l’on pouvait encore apprendre aux lecteurs à ce sujet. Il est vrai que la tâche de rendre intéressant l’exercice budgétaire est plutôt ardue, surtout au retour des fêtes. Ce journaliste ne semblait pas comprendre pourquoi « les gens » trouvaient aussi difficile la tâche de faire un budget, alors qu’il suffirait, selon lui, « de consigner ses dépenses dans un classeur Excel et de le faire balancer avec son chèque de paye ». Sous sa plume, séparer ses revenus entre « épargne, besoins essentiels et plaisirs de la vie » semble d’une simplicité désarmante, voire enfantine.
À la lumière des statistiques sur l’endettement élevé des canadiens, le citoyen serait alors l’unique responsable de son malheur financier. Bref, le citoyen endetté devrait arrêter de se plaindre pour commencer à « couper dans le gras ». Sans pouvoir mettre le doigt sur les aspects de son raisonnement qui me choquait, le problème est trop important pour que l’on puisse se satisfaire d’une réponse aussi simple, car il s’agit ici de traiter d’un sujet d’une gravité importante, qui a un impact sur plusieurs facettes de notre société. La gestion du passif est devenue une préoccupation qui oriente la majeure partie des décisions des citoyens, mais aussi des gouvernements. « Le ratio du service de la dette des ménages, soit le total des paiements obligatoires de capital et d’intérêt en proportion du revenu disponible, s’est établi à 13,8% au quatrième trimestre », reportait une journaliste de La Presse, en mars dernier (La Presse, 11 mars 2016). La dette du Québec, elle, a atteint 280 milliards de dollars en octobre 2016.
Selon Statistique Canada, les dépenses totales moyennes par famille sont de 82 700$ annuellement. Sur ce montant, 73% (60 516$) est attribué aux dépenses de consommation courantes. Les dépenses discrétionnaires, à savoir les fameuses « dépenses compressives », les loisirs, le tabac et l’alcool s’élèvent à 7 200$, représentent 12% des dépenses de consommation. Le reste des dépenses du ménage moyen se sépare entre l’impôt sur le revenu, les cotisations aux régimes d’assurance et d’épargne et les pensions alimentaires. Si on isole les cotisations aux assurances et à l’épargne retraite, elles représentent à peine 6% des dépenses totales des ménages.
Vous voyez une corrélation dans les chiffres plus haut? Il est saisissant de constater que le ratio du service de la dette des ménages (13,8%) soit plus élevé que leur dépenses dites « compressibles » (12%). Selon le journaliste du journal Les Affaires, cette constatation n’est en aucun cas alarmant, puisque le budget discrétionnaire « peut être réduit jusqu’à zéro ». La preuve étant que « bien des ménage n’ont pas le luxe d’en avoir un, ou si peu (sic) ». Ce serait un euphémisme d’avancer qu’on a ici affaire à une solution simpliste. Qu’est-ce qui relève du superflu, de l’essentiel? Est-il normal que la moyenne des ménages canadiens doive vivre sans budget discrétionnaire afin de rembourser son passif? Devrions-nous donc suivre la grande tendance actuelle de l’austérité et se priver complètement des petits plaisirs de la vie? Quel impact ce genre de mode de vie pourrait avoir sur la productivité?
On pourra argumenter que la valeur des actifs des ménages augmente, mais il ne faut pas oublier que les chiffres mentionnés ci-haut font référence à une « moyenne », et qu’encore aujourd’hui, près de 72% des canadiens n’ont pas de plan financier structuré (Patrimoine Hollis, 2015), et que près d’un tiers des canadiens vit d’une paye à l’autre, et que deux ménages canadiens sur trois n’ont aucune richesse (Radio-Canada International, 24 janvier 2014).
Il est intéressant de voir à quel point le citoyen est confronté aux mêmes problématiques financières que nos gouvernements. Depuis quarante ans, l’état et son peuple se sont endettés afin de couvrir des dépenses dites « d’épicerie », ou qui n’avait pas d’effet à long terme sur la croissance de leurs actifs. Mais pourquoi donc? Comment se fait-il qu’une quantité aussi alarmante de citoyens et de gouvernement ait décidé, conjointement, de consommer autant à crédit?
À la fin du vingtième siècle, alors que l’Occident rêvait de la société des loisirs à venir, il semblerait que nos choix politiques, notre organisation du travail et nos objectifs de croissance nous aient incités à consommer du crédit afin de poursuivre un certain idéal politico-économique représentatif du rêve accompli et du progrès. Plusieurs ont profités de ce progrès. Mais en 2017, à l’heure du protectionnisme renaissant et de la remise en question des accords de libre-échange, du spectre d’une déréglementation encore plus forte du système bancaire américains, d’une hausse à prévoir des taux d’intérêts et d’une course perdue d’avance contre les changements climatiques, l’endettement des ménages et des états devient un cocktail des plus explosifs.
Il faudrait alors cesser de perdre notre temps en debt shaming, et se demander si nous en faisons assez en tant que société pour éduquer massivement la population au sujet de ses finances personnelles, mais aussi peut-être refaire un plan d’affaires collectif pour les années à venir… Notre endettement nous force à nous demander où nous voulons que notre argent futur soit investi, mais surtout si nous avons les moyens de nous payer réellement ce rêve d’un autre siècle. Ce n’est pas en passant par-dessus la petite bière du vendredi soir qu’on règlera un problème structurel.
Oui, et le contrôle des paradis fiscaux et autres incorporation de professionnels à faible taux d,’imposition serait un premier pas dans le réglement des innéquiités..
La meme taxe de vente sur une Toyota ou une BMW ?
Pourquoi Visa ne perçoit pas les taxes de vente par internet pour les remettre au gouvernement ?
Plan d’affaire collectif et juste partout sur la boule.
Oui au capitalisme intéligent (sic). Non aux abus de toutes sortes.
Guy Langevin