J’ai de très bons parents, des amis qui sont là pour moi et avec qui j’ai beaucoup de plaisir, un boulot qui me passionne, des passe-temps, des projets. J’ai une « belle vie »…
… mais.
Mais il m’arrive parfois d’être seul chez moi et de ne pas savoir quoi faire. Pas envie de lire, pas envie d’écrire, pas envie d’écouter Netflix, de boire, de fumer, de baiser. Ce sont des moments où j’aurais besoin de faire quelque chose de significatif, me semble-t-il, sans pour autant être capable d’identifier ce qui pourrait me remplir.
Je pourrais choisir de faire du yoga, de prendre des cours de je-ne-sais-quoi, de replonger dans les sports élites. Ce sont des activités qui rempliraient ma journée, certes, mais me rempliraient-elles spirituellement, donnerait-elle un sens à ma vie? Je sais, les mots « le sens de la vie » font peur. Ils sont tellement gros qu’ils nous paraissent souvent irréels, caricaturaux. Il y a même quelque chose d’un peu bourgeois dans cet énoncé.
Rationnellement, lorsqu’on se compare au reste de la planète, il est grotesque de se poser la question. De quoi pouvons-nous bien nous plaindre, alors que nous nageons dans l’opulence? Nous n’aurions pas à nous poser la question si notre principale occupation quotidienne était de survivre.
Je suis bien conscient que d’une certaine façon, je fais de l’excès de zèle. La plupart d’entre nous ont trouvé un sens à leurs vies sans trop de difficultés. Que ce soit en faisant des enfants, à travers la religion ou certaines pratiques spirituelles, le travail, les passions, le bonheur ne manque pas d’alibis. Il est même possible de passer sa vie sans se poser la question. On peut être « trop occupé » pour chercher un sens et très bien vivre avec ça. Mais je suis athée, je ne veux pas d’enfant et j’ai le luxe (ou le malheur, c’est selon) d’avoir le temps de me poser la question. Et je n’ai pas l’impression d’être le seul. La popularité des films de zombies, du survivalisme et de l’esthétique post-apocalyptique ne pourrait-elle pas venir d’une inconsciente volonté de revenir à un état où nous n’aurions justement pas le luxe de nous poser des questions existentielles? Serions-nous fatigués de devoir remplir nos vies?
Claire Lamarche décrit les enfants qui ont actuellement entre dix et treize ans comme faisant partie d’une génération où « le silence et l’ennui n’existe pas » (Les Échangistes, 6 septembre 2017), en pointant du doigt la technologie comme étant la principale cause de ce vacarme. Ne serions-nous pas toutefois les principaux coupables de cette frénésie? La société laïque est encore toute jeune. Il faut à peine remonter trois générations pour revenir à l’époque où la religion réglait nos vies et venait annihiler à la racine toute éventuelle crise de sens. Depuis, chaque génération laïque a trouvé sa propre méthode pour combler le vide; psychédélisme, mouvement hippie, new age, psycho populisme, société du loisir… on a inscrit nos enfants à l’équitation, au piano, au cours de mathématique privé et maintenant quoi, on voudrait en plus qu’ils apprennent à s’ennuyer? C’est notre propre crise spirituelle qui a créé cette situation, pas la technologie.
Avons-nous le courage et les moyens d’affronter le silence, ce vide qui rôde à quelques pas de nos longues heures à planifier notre prochain voyage, à s’entraîner, à chercher le restaurant, l’album, le roman, le film qui nous surprendra de nouveau?
Et s’il était possible d’être heureux tout en contemplant l’absurdité de la vie? Ne serait-il pas possible de revendiquer le droit d’être heureux, pessimiste, ennuyé, content et déprimé à la fois? D’accepter le chaos dans tout ce qu’il a de destructeur et de créateur? Si l’ennui et le silence nous mettent parfois en face de l’absurdité de notre propre existence, ce sont aussi des vecteurs de rêve, de création, de singularité, de ténèbres et d’étincelles (comme le dit aussi Claire Lamarche, d’ailleurs…).
Un peu plus de soixante-dix ans après la publication de L’Existentialisme est un humanisme, de Sartre, est-il possible d’être en paix avec la vacuité de notre existence sans pour autant se faire prescrire du Prozac?
La nature a peut-être horreur du vide, mais pas le cosmos. Permettez-nous donc de nous perdre entre les étoiles.
N’avoir envie de ne rien faire, alors qu’on a moult divertissements, c’est un peu l’effet Netflix. On regarde le catalogue pendant 1h et au final on a rien regardé.
Au lieu de se désespérer de ne rien faire, profite de ne rien faire. Dans notre société avoir du temps est un luxe, alors du temps pour ne rien faire c’est le grand luxe.
La prochaine fois que tu ne sais pas quoi faire, ne fait rien et vis le comme un accomplissement. Dis toi que tu as eu l’occasion de ne rien faire pendant 30min – 1h et que c’est un luxe que beaucoup n’ont pas.
Profite de ton temps à ne rien faire, il y a trop de temps où l’on doit faire des choses. 🙂
Pour avoir passé plusieurs années loin de la famille, célibataire, avec très très peu d’amis, dans un boulot où j’avais 1 à 2 collègues, toutes mes fins de semaines et soir avec rien à l’agenda, le vide ça s’apprend.
Tout ce vide m’a donné beaucoup de temps, un luxe! Pour ne pas virer coucou au début, j’ai trouvé un façon de faire les choses plus lentement et de prendre mon temps, afin de meubler tout ce temps que j’avais. Je pense que ça m’a permis d’apprendre un peu à enfin contempler, à m’arrêter et à vraiment être présente à chaque seconde.
Les cours de macramé en laine teinte à la main, fuck that. Alors j’ai changé mes habitudes et ma routine pour prendre plus le temps de faire les choses; finalement, j’allais finalement à un rythme normal pour une fois. Je me suis mise à prendre des détours dans mes trajets à pied pour revenir à la maison, regarder davantage les buildings, prendre de nouvelles rues. La fin de semaine, j’explorais ma ville en allant à des événements communautaires où je n’allais jamais, en vélo bien sûr pour explorer en route. Je prenais ce long trajet en autobus pour aller dans un endroits que je ne connaissais pas encore. Parler aux inconnus. J’ai été très souvent marché le pour voir le coucher de soleil. Et à chaque fin de semaine, je rangeais mon téléphone jusqu’au lundi matin. Avec le recul, c’était comme être en vacances constamment (ou peut-être vraiment pathétique pour certains).
Je suis nostalgique de cette époque plus lente où je n’avais pas autant de distractions. Je ne me sentais pas à bout de souffle tout le temps comme maintenant.
Ne rien faire c’est aussi agir. Prendre doucement conscience de sa propre respiration et du monde qui nous entoure est tout à fait honorable. Mais d’accord, pas tellement à la mode en ce moment dans l’agitation futile de notre pauvre petite planète. Enjoy !
Guy
Quel beau texte !
Le vide et le silence ne me dérangent pas , je suis habituée, c’est les bruits et l’agitation qui me déstabilisent.
C’est vrai que les enfants en Occident n’ont jamais appris à s’ennuyer et c’est bien dommage !
L’ennuie aide les enfants à rêver et à explorer leur créativité.
Les gens en Occident et notamment en Amérique du Nord ont une peur bleue du vide et c’est bien dommage ! étant donné que dans le vide on se remplit, on arrive à se remettre en question à développer une vie spirituelle et apprendre également à reposer notre mental.
Les humains ne sont plus capables de rester 5 minutes ensemble et supporter le silence. Le silence est devenu un luxe , un tabou et un ennemi à éviter et à fuir comme s’il était nocif pour notre santé.
Alors que les bruits et le bavardage inutile sont bcp plus nocifs pour notre santé mentale et physique.
Donc apprenez à écouter les silence, il est merveilleux une fois qu’il est apprivoisé !