La position de départ des voitures pour une course de derby de démolition est plutôt intéressante. Alignées en deux rangs se faisant face, les bolides ne sont toutefois pas tout à fait nez à nez. Les conducteurs n’ont pas le droit de s’attaquer directement. On doit laisser passer son vis-à-vis à ses côtés, pour se retrouver cul à cul. Manière d’augmenter le niveau de difficulté tout en évitant de trop tôt face à face dévastateurs. En même temps, j’y perçu une certaine forme de civisme, d’esprit chevaleresque, même.
Dès que les voitures se mirent en marche, j’oubliai les étranges mots de bienvenue de notre ami. Je me laissai prendre par le spectacle de destruction qui se déployait devant moi. Les voitures déchiraient leurs pneus à force d’accélérer dans leurs ennemis immobiles. Les vitres volaient en éclats, des morceaux de ferraille étaient propulsés dans les airs. Au bout de quelques minutes, la piste fut envahie par un épais nuage de fumée huileuse. J’avais l’impression de devoir plisser les yeux depuis que j’étais arrivé.
Chaque course durait un peu moins de dix minutes, et était entrecoupée d’une pause où le public pouvait aller se réapprovisionner en canettes de Bleues et en Pogo à la farine de sarrasin. Une canette de bière dans une main, un pogo dans l’autre, j’encourageais les participants, je réagissais aux bons coups, je voulais que ça cogne. Mon euphorie se calma toutefois, lorsque la députée libérale est venu faire un « discours » entre deux courses.
– C’est un plaisir d’être avec vous aujourd’hui. Il fait beau!
Aucune réaction de la part de la foule. La même chose lorsque le candidat de la CAQ vint dire exactement la même chose, mais en rajoutant « il faut que ça change »… Ce sont les seuls moment de pseudo silence auxquels nous avons eu droit. Pas un applaudissement, pas un sifflet pour les politiciens en campagne. Je senti que la foule ne voulait pas leur accorder la moindre attention. C’était pourtant deux candidats provenant de parti qui avaient le plus de chance de l’emporter dans la région, mais les beaucerons ne sont pas idiots et sont fiers, de surcroît. Ils rendaient brillamment la monnaie de leur pièce à ces politiciens qui les oublient trop souvent lorsqu’ils ne sont pas en campagne. Ces deux candidats, l’espace de quelques instants, étaient devenus des fous du roi dans l’arène des seigneurs de la Beauce.
En revenant vers Montréal, dans la voiture, j’étais à la fois profondément fier et peiné. Je ne sais pas si je réussirai à mettre les mots adéquats sur ce sentiment que j’éprouve lorsque je pense à ce weekend.
Mais de toute façon. Je suranalyse…