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Mais où est donc passé le Golem?

Finissons-en une bonne fois pour toute.

Vous connaissez Norbert Wiener? Monsieur Wiener est un des penseurs de la cybernétique, et un juif. Je le précise car ça a un rapport avec mon propos.

Les juifs ont un lien affectif particulier avec la cybernétique. Wiener suppose en effet que cette sensibilité, ou cette ouverture au concept de « dialogue » avec la machine, est dû à la figure du golem qui est très présente dans l’imaginaire juif. Le golem, cet être construit par le rabbin pour protéger la communauté, est contrôlé grâce à la connaissance du nom de Dieu. Comme dans l’Apprenti Sorcier, de Walt Disney, celui qui contrôle le langage comme il se doit [soulignons] contrôle le golem.

Tout ça est d’une ironie incroyable, car selon moi, notre peur de la technologie a un rapport certain avec le génocide des juifs durant la deuxième guerre mondiale.

Pour faire une histoire courte, l’Allemagne nazi a utilisé les savoirs de la révolution industrielle pour les appliquer au meurtre de masse.  Avec les chambres à gaz, on a industrialisé la mort, et on a déshumanisé l’humain. Grâce à un contrôle malveillant du langage, les nazis sont allés jusqu’à interdire l’utilisation du mot « cadavre » pour le remplacer par « poupée »…

L’apprenti sorcier qui n’utilise pas les bonnes « formules magiques » pour contrôler son environnement devient fou, et se fait envahir par les « monstres » technologiques étranges.

Je pense que notre peur de la technologie vient un peu de là. Nous associons « inhumain » et « mort » à cause de traumatismes historiques majeures. On pourrait aussi faire le même exercice avec l’expérience d’Hiroshima.

C’est normal, mais je m’ennuie du bon vieux golem.

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Textobjet

Je ne sais pas par où continuer. Il y a trop de choses à dire.

Premièrement, j’aimerais mettre une chose au clair : je m’intéresse à la charge poétique de la technologie (ou à son absence). Je ne suis pas « pour » ou « contre » la technologie. C’est absurde.  Mon opinion à ce sujet est que nous sommes nous-mêmes technologiques. Une partie de l’intérêt de cette réflexion est de discuter des limites et des origines du « naturel » et du « synthétique ». Est-ce que le « moi », la « conscience », l' »âme » sont des concepts « naturel »? « Technologiques »? Attention, je ne pose que la question. Je ne suis pas là pour essayer de vous convaincre de quoi que ce soit. Je suis là pour essayer d’ouvrir le discours au sujet de la technologie.

J’aimerais vous référer à une conversation qui a germée suite à la publication sur mon mur Facebook de mon dernier billet, mais c’est pas mal long. Je vais simplement poster un commentaire que j’y ai fait,  :

Malgré la révolution industrielle, le néo-libéralisme, les dictats de l’opinion public, nous voulons continuer à vivre ensemble. À être une société, et non pas une collectivité d’êtres prisonniers d’une routine orchestrée autour de notre minable petit travail et de nos minables petits produits, qui ne sont plus chargés d’aucune poésie. Qui, depuis la révolution industrielle et la deuxième guerre mondiale, sont des véritables petits cadavres. Nous ne serons jamais assez courageux pour tout foutre à terre et ainsi revenir aux lettres, alors on « texte ».

Ce qui m’amène à parler des objets. Précisons dès le départ: je ne condamne pas les objets. Je me questionne sur la manière dont nous les concevons et les produisons. Il y a plusieurs données qui nous ont poussées à changer la manière dont nous concevons et produisons nos objets : le coût de production, la mode, le soucis de rejoindre des marchés de plus en plus large, la disparition de certains matériaux, etc. Prenons par exemple un appartement de Montréal qui a été construit dans les années trente, et comparons-le à un logement dit moderne (construit entre les années 70 et aujourd’hui) : les matériaux sont différents, les coûts sont différents, l’accès au logement est différent. La manière de concevoir les logements destinés au commun des mortels [je souligne] est différente, aussi. Les planchers flottants, les moulures, les fenêtres; tout est de plus en plus « standard ». La réponse commune à ce constat est que par soucis d’économie (et donc de démocratisation) on standardise.  Une autre réponse, complémentaire, serait que le savoir des artisans s’est perdu. En voulant standardiser, on a peut-être démocratisé un peu plus (et encore là j’en doute) mais on a délaissé (perdu?) un savoir très important; celui de raconter des histoires à travers nos objets. Avant, on ne faisait pas que construire un meuble, on l’écrivait, aussi. On l’ornait de choses qui étaient importantes pour nous : plusieurs références de type biblique, mais aussi à la nature, à la mer, au nautisme, à la chasse ornaient notre environnement.

Je ne sais pas si vous voyez où je veux en venir. Ça prendra encore un ou deux autres billets, je crois.

Encore une fois, à suivre…

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Novlangue

Ah, Ray Bradbury.

L’auteur de Fahrenheit 451 est réputé pour ses déclarations chocs. La dernière en liste n’est pas piquée des vers [à soie]. Elle n’est pas piquée des vers [à soie], car elle m’a choquée. « Choqué » dans le sens de « saisie », « frappé ».

Voici sa déclaration.

«Nous avons trop de téléphones portables, trop d’internet. On devrait se débarrasser de ces machines, il y en a trop aujourd’hui.».

Je ne veux pas me répandre en débattant au sujet de la surproduction. Il y a en effet, en ce moment,  surproduction de tout. Mais la surproduction est causée par la surconsommation, qui est causée par la publicité, qui est causée par le capitalisme. De là peut-être le besoin d’une « révolution aux États-Unis » dont parle Bradbury dans le même article.

Mais pourquoi sommes-nous à ce point terrifiés par la surproduction des technologies de communication? Serait-ce l’immémoriale peur de la domination par la machine? Pourquoi ne sommes-nous pas terrorisés par la surproduction de montres (merci Éric pour la comparaison)? Avec ces gargantuesques gammes de modèles de toutes sortes, de prix, de marques, de manières d’indiquer l’heure, il y aurait de quoi paniquer, non?

Cette peur vient sûrement, entre autres, du fait que les technologies de communication viennent jouer dans notre bouche. Elles sont comme le dentiste. Quand elles  jouent dans notre gueule, on jase différemment, et soudainement l’angoisse de perdre des dents nous saisie…  Ces technologies changent notre langage, donc nous nous sentons menacés. La peur de la « novlangue » de 1984 est juste là, entre une molaire inférieur et supérieur; une « langue 2.0 » simplifiée, souvent associée au langage SMS, serait anti-subversive, trop limitative. Mais est-ce réellement ce à quoi la surproduction des technologies de l’information nous condamne?

Je ne pense pas. J’ai l’impression que l’utilisation du langage SMS est justement une forme de subversion, un langage codé utilisé par des adolescents qui veulent se distinguer, se singulariser (et aussi économiser de l’argent). Plusieurs générations de jeunes qui ont vécu bien avant le web se sont adonnés à ce jeu. Le reste du problème de ce langage SMS en est un de système d’éducation. Si les jeunes écrivent mal, s’est la faute des professeurs et du système d’éducation, pas la faute d’Internet et/ou des cellulaires.

Mais je m’éloigne du sujet. La question est loin d’être vidée.

À suivre, donc…

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Pourquoi j’aime la BD

Dans le sixième numéro de la prometteuse revue de bande dessinée Trip, dirigée par Stanley Wany, une question était posée à plusieurs acteurs du milieu de la BD québécoise : Pourquoi faites-vous de la BD? Je me permets de répondre à la question (certains diront peut-être que c’est prétentieux, mais je me donne le droit quand même. Au diable.) :

« Le génie n’est que l’enfance retrouvée à volonté », disait Baudelaire.

Je fais de la BD parce que c’est un médium génial.  Sans me faire retomber systématiquement en enfance, « l’économie » de la BD me permet de parler de manière différente. Comme un enfant mais sans vraiment l’être. Le fait d’écrire et de montrer quelque chose pour en dire une autre donne naissance à une voix narrative différente, berçante et étrangement honnête. Utiliser toutes ces cases, cette mécanique narrative, et passer alors un accord tacite avec le lecteur (je n’aime pas l’expression « contrat de lecture ») est un geste créatif qui cèle une complicité forte entre le récit, le lecteur et l’auteurs.

La BD est un jeu pour moi. Un jeu en tant qu’espace,  joint, ensemble, joute entre deux personnes. C’est pourquoi je ne dessinerai jamais.

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Sagesse cynique

Une culture forgée à grands coups de récits critiques de l’air industriel, de la société de consommation et de la bourgeoisie capitaliste peut-elle vraiment pousser la critique sans réécrire la même chose, et sans basculer vers le programme politique, ou le roman à thèse?

Je me surprends à penser ses univers dystopiques comme des utopies. J’écris.

Je commence prochainement la lecture de Player Piano, de Vonnegut (merci Stéphane), ainsi que de Crash, de James Graham Ballard.  Je vous en redonne des nouvelles.

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